Pathologies de la main chez le musicien

Les musiciens sont sujets à des lésions d’hyperutilisation liées au stress répété infligé à des groupes spécifiques de muscles et de tendons variables en fonction de l’instrument pratiqué.
Cet article présente 6 pathologies classiques chez le musicien :
- Tendinite
- Tenosynovite de De Quervain
- Le doigt à ressaut (Trigger Finger)
- Dystonie de fonction ou « crampe de l’écrivain »
- Syndrome du Tunnel Carpien
- Syndrome du Tunnel Cubital au coude
Il existe un lien très étroit entre la main et le cerveau du musicien: les mains permettent de véhiculer les émotions qui donnent à une oeuvre toute son intensité (le toucher). De toutes les lésions dues à la pratique de la musique, plus de 41% concernent la main et le poignet.
Ce texte fait référence aux blessures causées par la répétition des gestes et/ou un surentraînement. Elles se manifestent généralement par une douleur, un champ d’action réduit, une grande fatigue de la main touchée voire la perte progressive de la motricité fine. Ces limitations et pathologies pèsent lourd sur le moral des musiciens, car de tels handicaps peuvent les contraindre à changer de carrière et à laisser de côté leur don naturel. Le traitement conservateur occupe une place privilégiée afin de limiter la perte de ces mains si talentueuses. Les rares indications de la chirurgie reconstructrice, doivent être particulièrement réfléchies.
Ci-dessous, vous trouverez les lésions les plus fréquentes rencontrées chez le musicien au niveau de la main et du poignet.
Tendinite
Une tendinite correspond à est une inflammation d’un tendon.
Elle est le plus souvent liée à des blessures répétitives des cordes fibreuses du tendon sans période de guérison. Cette blessure due au surmenage du tendon est très fréquente chez les pianistes qui s’entraînent quotidiennement pendant de longues heures. Mal positionner et mal tenir sa guitare ou son violon peut également déclencher des lésions d’usure des tendon de la main ou du poignet. Les symptômes de la tendinite sont généralement des douleurs, associées ou non à un gonflement de la main ou du poignet touché. Certains patients peuvent se plaindre d’une fatigue ou d’une faiblesse de la main peu de temps après avoir commencé à jouer, ou lors d’activités quotidiennes.
Ces types de blessures sont le plus souvent évités grâce à des exercices d’étirement de la main et en prenant fréquemment des pauses lors de longues séances, pour donner à la main la plus sollicitée le temps de se reposer. De soudains gonflements et des douleurs des tendons se traitent avec des compresses de glace posées pendant vingt minutes, trois fois par jour. Le port d’une attèle ou d’une orthèse peut être envisagé par le médecin pour immobiliser temporairement la main blessée et lui permettre de guérir spontanément. Des changements de position de la main et des doigts dans la manière de jouer peuvent limiter l’hyper utilisation de certains tendons fragilisés. L’ergothérapeute spécialisé pourra aider le musicien au niveau de son poste de travail. Le spécialiste de la main peut également faire des injections locales de corticoïdes pour apaiser la douleur et l’inflammation. Des tendinites chroniques évoluant de plusieurs mois peuvent faire l’objet d’une intervention chirurgicale pour réparer et débrider les tendons affectés. Les suites opératoires se résument généralement à des séances d’ergothérapie ou de physiothérapie pour restaurer la fonction de la main opérée.
Tenosynovite de De Quervain

Il s’agit d’une inflammation de la gaine des tendons extenseurs du pouce (court extenseur et long abducteur) au dos du poignet sur le bord radial (en regard du pouce).
Chez le musicien, cette pathologie peut être liée à la pratique d’une activité répétitive des poignets lors du grattage des cordes de guitare (action répétée de la main directrice: le poignet droit est le plus souvent utilisé pour les musiciens droitiers) ou être la conséquence d’une attitude en flexion figée du poignet chez le violoniste.
Le plus souvent le guitariste se plaint d’une douleur lancinante avec un gonflement du poignet près de la base du pouce, aggravée par la prise en main d’un objet dur. La douleur et la gêne peuvent entraîner une fatigue de la main du guitariste ou encore une enflure paralysant cette dernière. Le traitement de cette lésion commence par le port d’une orthèse faite sur mesure prenant le poignet et le pouce (ergothérapie) à conserver surtout le nuit associé à des exercices quotidiens du pouce lors de séances d’ergothérapie. Des antidouleurs contrôleront la gêne occasionnée. Il est plus prudent de consulter un chirurgien de la main si la douleur persiste. Une injection locale de cortisone permet en règle générale de détruire la synovite.
En cas d’échec malgré le protocole médical, une intervention chirurgicale peut être utile avant que les phénomènes ne deviennent chroniques. Elle consiste à explorer le poignet et libérer le tendons extenseurs concernés pour faire disparaître les symptômes dus à la pression, et restaurer ainsi le glissement et la mobilité dont le tendon a besoin pour que le guitariste puisse gratter les cordes de sa guitare.
Consultez la page dédiée à la Tenosynovite de De Quervain pour en savoir plus.
Le doigt à ressaut ou ressort (Trigger Finger)

Cette pathologie est également appelée Ténosynovite Sténosante de la gaine du fléchisseur.
Les symptômes sont liés à une inflammation de l’enveloppe autour du tendon (synoviale de la gaine du tendon) présente dans le doigt touché. Celui-ci se bloque en flexion (doigt en crochet), surtout le matin au reveil, avec un ressaut désagréable lorsqu’il s’étend. Au début les symptômes sont intermittents puis deviennent permanents. A un stade plus avancé, le doigt peut se positionner définitivement l’index en position repliée comme sur la gâchette d’une arme.
Chez le musicien, cette inflammation est causée par l’agrippement répété du manche de la guitare ou du violon lors des rapides changements de cordes. Le doigt à ressaut peut compromettre certaines activités de précision, comme la pratique de la musique avec des instruments à cordes.
Lorsqu’il existe un gène fonctionnelle, le chirurgien de la main propose une injection locale de cortisone à renouveler éventuellement une fois, pour détruire la synovite inflammatoire. Dans les cas rebelles au traitement conservateur ou en cas de récidive, une intervention chirurgicale sous anesthésie locale est indiquée: elle consiste à sectionner ou agrandir la poulie à la base du doigt pour permettre le bon coulissement du tendon. La majorité des patients retrouve une motricité et une activité normale après l’opération: le doigt doit bouger immédiatement. Parfois une rééducation spécialisée avec un appareillage est utile pour redonner au doigt son extension.
Consultez la page dédiée au doigt à ressaut pour en savoir plus.
Dystonie de fonction ou « crampe de l’écrivain »

La dystonie de fonction des doigts chez le musicien ou « crampe du musicien » est un problème neurologique affectant les doigts et provoquant une fatigabilité avec une tétanisation des muscles concernés. Cette contraction involontaire des groupes musculaires peut empêcher les musiciens de jouer à un haut niveau, entraînant de sérieux problèmes psychologiques, voire une dépression chez certains d’entre eux.
La dystonie de fonction est présente chez 1 à 2% de tous les musiciens professionnels, spécialement chez les pianistes, les clarinettistes, les violonistes et les guitaristes. Bien que la dystonie de fonction soit une pathologie du système nerveux central, les crampes des musiciens sont souvent générées par une soudaine augmentation de l’entraînement, un changement radical dans la façon de jouer, une pratique intense après un long temps d’arrêt, ou l’apprentissage soudain d’un nouvel instrument.
Lors d’une dystonie de fonction, les doigts ne répondent plus aux commandes du musicien et peuvent avoir des mouvements incontrôlés, trembler, se serrer ou se raidir involontairement lorsque le musicien joue. Les patients atteints de crampes du musicien peuvent trouver des bénéfices à une rééducation sensorielle, en permettant au doigt de ré-identifier des textures différentes, ainsi que des variations de températures. Le regain des fonctions motrices des doigts ayant été immobilisés dans un souci de guérison apporte des résultats très prometteurs. Une approche multidisciplinaire peut s’avérer indispensable face à une dystonie permanente. Votre spécialiste de la main vous prescrira éventuellement un traitement à base d’anticholinergiques comme le Baclofène et le Trihéxyphénidyl, afin de soulager et de contrôler les mouvements involontaires des doigts, et de prévenir leur réapparition. Des injections de toxine botulique seront envisagées pour faire disparaître les contractions involontaires pendant 2 à 4 mois. Une rééducation physique et émotionnelle est vivement recommandée pour augmenter les chances de réussite du traitement.
Syndrome du Tunnel Carpien

Le syndrome du tunnel carpien est causé par la compression du nerf médian (nerf de la sensibilité des 3 premiers doigts et de la motricité du pouce) dans le canal carpien, formé par les os du carpe et le réticulum des fléchisseurs de la main au niveau du poignet.
Les symptômes associent de façon variable, des engourdissements de la main, des douleurs, des sensations de brûlures au niveau de la base de la paume avec le plus souvent une diminution de la force. On le rencontre souvent chez les pianistes, les violonistes, les guitaristes et les batteurs. Il n’est pas rare que les musiciens souffrent de ce syndrôme en raison de la prise en main répétée du violon, du manche ou de la tête de la guitare.
Les symptômes de compression nerveuse peuvent aussi être la conséquence de mouvements répétés de flexion et d’extension des doigts ou du poignet, à l’origine de synovite (inflammation chronique) des tendons fléchisseurs, chez le percussionniste ou le pianiste après de longues heures de répétition et de concert.
Le port d’une orthèse de poignet la nuit pourra soulager de manière temporaire la douleur et les fourmis dans les formes débutantes. Des symptômes persistants doivent inciter à consulter le spécialiste de la main qui confirmera le diagnostic clinique. L’examen électrique du nerf (electroneuromyogramme-EMNG) réalisé par le neurologue permettra d’apprécier la sévérité de la compression.
Une infiltration de cortisone au niveau du poignet ou une intervention chirurgicale seront discutés en fonction de l’ancienneté des troubles, de l’existence d’une atrophie des muscles de la paume ou de la persistance des symptômes malgré le traitement conservateur.
Les gestes chirurgicaux visent à limiter la pression du rétinaculum sur le nerf médian en le sectionnant et à libérer le nerf de tout autre tissu exerçant une pression. La reprise de l’instrument est recommandée le plus rapidement possible à condition qu’elle ne sollicite pas la force dans un premier temps.
Consultez la page dédiée au Tunnel Carpien pour en savoir plus.
Syndrome du Tunnel Cubital au coude
Ce syndrome se manifeste par un engourdissement et une gêne au niveau du petit doigt et sur la partie intérieure de l’annulaire.
Il est la conséquence de la compression du nerf cubital qui passe par le pli du coude (intérieur du coude). Il peut s’agir d’une compression positionnelle (par appui) ou d’un étirement dynamique du nerf par flexion du coude au delà de 90 degrés, notamment lorsque le violoniste fait glisser l’archet ou lorsque le guitariste gratte les cordes de la guitare avec sa main.
Parfois le nerf « saute » au niveau de la gouttière épitrochléo-olécranienne lors des mouvements de flexion-extension du coude. Si ce mouvement se répète de manière chronique, les musiciens peuvent être gênés. Dans les formes anciennes il peut exister une paralysie des muscles innervés par le nerf. Les paresthésies (ou encore la sensation de fourmillements) dans les doigts et l’avant-bras peuvent affecter significativement l’agilité, la mobilité et la performance.
Le diagnostic est confirmé par le spécialiste de la main et un éléctroneuromyogramme (ENMG) pourra apprécier la sévérité de la compression. Ce syndrome peut être traité de manière non chirurgicale par de l’ergothérapie, des attelles nocturnes et des mesures positionnelles (formes débutantes). Lorsque ces méthodes échouent ou lorsqu’il existe des déficits nerveux , la chirurgie peut être indiquée. Son but est de lever la compression du nerf en lui laissant plus d’espace, avec différentes options thérapeutiques: transposition du nerf cubital en avant, neurolyse du nerf, ou épicondylectomie médiale partielle. Dans tous les cas les doigts peuvent et doivent bouger après l’opération. Selon l’option choisie, une attelle de coude pendant 2 semaines peut être nécessaire.